jeudi 31 janvier 2008

Mon intolérance à moi


Je me "pense" tolérante. La couleur de peau, le rang social, l'attirance sexuelle, la croyance religieuse n'ont jamais été un frein pour moi à quoique ce soit. J'évolue dans un monde qui ne m'appartient pas, qui n'a pas de frontières... je connais ma chance d'être née sur un territoire riche... j'aimerais regarder les massacres qui rongent le Kenya avec moins d'accoutumance et de résignation... j'aimerais être plus impliquée et ne pas me contenter de me dire que je ne peux rien faire... j'aimerais que les choses changent... comme tout le monde... mais rien ne change...

J'absorbe beaucoup la souffrance des autres... je la prends à mon compte... je refais le monde toutes les semaines devant ma tasse de café, avec mon homme auprès de moi qui semble moins meurtri... plus détaché... ou tout simplement plus conscient que c'est déjà trop tard pour plein de choses...

Il y a des sujets sur lesquels je ne décolère pas... comme devant l'annonce d'un chauffard qui a écrasé un enfant sur un passage protégé... là-dessus, même mon homme ne trouve aucune circonstance atténuante qui me canalise. L'alcoolisme au volant me donne l'envie d'hurler, de prendre le sale type bourré et de lui demander de faire un pacte avec Dieu...celui de donner sa vie à cet enfant... d'échanger les places... je n'ai aucune complaisance pour l'alcoolisme, quel qu'il soit. Je refuse la théorie de la "maladie" et ne voit que la personne en face qui détruit tout sur son passage... comment a-t-on pu me dire une fois que mon père était "malade", qu'il fallait l'aider? Comment voulez-vous que je comprenne que la bouteille posée devant lui chaque soir n'était pas là de son plein gré et qu'il ne savait pas ce qu'il faisait???

Je ne peux pas... j'aimerais pouvoir dire que certains coups durs poussent à ce vice... et que ça peut se comprendre... mais je ne peux pas dire ça...

Quand je vois des jeunes de moins de vingt ans se réjouir de leur sortie du samedi soir parce qu'ils vont pouvoir -enfin- se bourrer la gueule, revenir à cinq heures du mat au stade d'épave ambulante, et s'en vanter comme si c'était le truc le plus planant qui soit.... tant attendu tout au long de la semaine... j'ai envie de les baffer...

Si encore ils rentraient à pieds chez eux... je les plaindrais juste de s'éclater uniquement sous l'effet d'un exilir dont ils ignorent la dangerosité... et je les laisserais se détruire... car par expérience, je sais qu'on ne raisonne pas un alcoolique... surtout quand il vous regarde droit dans les yeux et vous affirme "qu'il ne boit pas!!!" mais qu'il a juste "soif"...

Moi aussi j'ai "soif" d'un monde qui arrête de me balancer des faits divers pareils et qui ne fait rien pour régler le problème à la base...

J'aurais aimé connaître mon père sans le "masque" de l'alcoolisme posé sur lui de façon journalière... j'aurais aimé pouvoir dire à mes filles aujourd'hui qui il était vraiment... si nous avions des goûts en commun, si nous avions des traits de caractère similaires... je ne le sais même pas...

Nous sommes en 2008, cela fait 17 ans cette année que mon père est parti...
Mon frère et moi avons pris la décision de ne pas renouveller la concession au cimetière où il est enterré...

Je suis loin, trop loin... et même en habitant dans la même ville, il y a trois ans, je n'y suis allée que deux fois... sur sa tombe... une fois pour que mes filles sachent... voient...
Une autre pour lui dire dans ma tête que je partais vivre ailleurs... penchée sur sa croix sombre, les cheveux balayés par le vent maritime, silencieuse, vide dedans ... pour lui dire aussi que je l'aimais et que nous ne nous "reparlerons" plus jamais, là, dans le vent... à part dans mes pensées... ailleurs qu'ici...
Sa tombe n'est plus depuis cette année...
Il n'y a plus de lieu qui le matérialise... nulle part...
Je ne me sens pas plus libérée pour autant de sa présence...
Je suis attérée de voir qu'à 39 ans, j'ai perdu définitivement ses traces...
Et que les seuls souvenirs que j'ai de lui résident en un mot ... "alcoolisme"

J'ai dû mal à le digérer... à l'accepter...
Tout comme les pauvres parents qui ont perdu leur gamin et qui vont devoir vivre avec le même rejet que moi... à qui on va dire que le conducteur n'était pas responsable de ses actes, qu'il était sous l'emprise d'une quoi déjà...??? ah oui, d'une maladie...
Rassurez-moi, ce n'est pas contagieux au moins????

7 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonjour Véro...encore un point commun...Ce que l'on peut faire sans modération avec l'alcool, c'est en causer!

Anonyme a dit…

Tes textes me touchent toujours beaucoup. J'ai une belle-soeur qui a divorcé il y a quelques années car son ex-mari est alcoolique, ce qu'il ne reconnaît pas, bien entendu! Cependant, c'est un père fabuleux pour ses garçons maintenant des adultes intelligents et polis (l'un d'eux est le parrain de notre petite puce).. qui ne boiront jamais ça c'est assuré!! C'est tellement dommage les ravages que l'alcool peut faire. J'aimais beaucoup cet ex-beau-frère, homme d'affaires très intelligent, perspicace, avec beaucoup de conversation. Mais l'alcool... a ruiné ce couple qui avait 25 ans de mariage, quel dommage! Ma belle-soeur est plus heureuse aujourd'hui, je crois.

Tu sais, il y a des choses qu'on ne peut pas changer, alors, ne t'en veut pas trop de laisser le souvenir de ton père te hanter de la mauvaise manière. Je suis sûr qu'un jour, son visage te reviendra avec de meilleurs souvenirs. Le temps arrangent bien des choses...

Anonyme a dit…

Véro je ne sais pas trop quoi te dire, je n'ai heureusement pas connu tout ça. Je comprends qu'avec le temps certaines blessures ne peuvent se guérir. Tu as su grandir avec et devenir une femme et une maman formidable !

Taïga a dit…

Très belle réflexion, une superbe image... Bravo Véro!

Pur bonheur a dit…

Très beau texte Véro. Tu dénonces une réalité beaucoup trop présente, même aujourd'hui. Moi aussi j'ai des problèmes à parler d'alcoolisme comme d'une maladie. Vice me parait plus adéquat. Mon père aussi aimait bien la bouteille lors de fête , en société. Jamais seul. J'ai donc des mauvais souvenirs de mes retours en voiture le soir de Noel...ça explique ma phobie de conduire sur l'autoroute. Il m'a fait peur tellement de fois. Je te souhaite quand même de faire la paix avec lui. De le voir avec des yeux de femme et non de petite fille. Le juger sans remords pour finalement l'accepter avec ses failles. Fais toi un cadeau, car le pardon est le plus beau cadeau que l'on se fait.

Véro a dit…

Corine : oui; ça on a le droit!!!

Véro : toi aussi tes mots sont ausi d'un grand réconfort... j'espère que tu vas bien et je guête ton retour sur ton blog....

Isa : Tu es gentille, Isa... toi tu me connais depuis que tu as neuf ans... tu as su accepter mes faiblesses et ne pas m'en vouloir...

Ma couvée : merci ma Karine!

Tangerine ; Je crois que je lui ai pardonné le jour de sa mort, en lui tenant la main, le laissant partir doucement...
Je suis juste en colère contre sa descente aux enfers... ce gâchis... c'était comme un suicide que de se détruire à ce point... il n'aura eu le temps de rien...
Quand je vois la complicité de mes filles avec leur père, leur amour, je me dis que je suis passée à côté de quelque chose...


Bisous à vous toutes...

Drew a dit…

Oulà, j'approche de la fin de ce blog. J'apprends de plus en plus!