samedi 29 décembre 2007

A tout problème, une solution....


Ma maman avait une petite voix hier soir... fatiguée... abattue... Elle m'a annoncé qu'elle s'était résignée à prendre le train... chose qu'elle n'aime pas, qu'elle craint... le changement à Paris est la bête noire de tout provincial, retraité, chargé à bloc de valises... et complètement paumé dans cette grosse ville qui grouille....

Sa fatigue morale et physique était visible, perceptible... elle avait des tonnes de bricoles à m'amener, petits trésors accumulés au fil des mois sans se voir... petites surprises pour ses petites filles dénichées dans les petits magasins de son quartier.... elle ne pourra pas les amener... sa vexation était attendrissante... elle avait hâte d'aller se coucher... l'attente sur l'allée centrale, derrière la glissière de sécurité, le matin même, avait été longue et ventée... elle avait eu tout le temps de regarder sa voiture neuve de six mois partir sur la dépanneuse... tout le temps de se dire que si une voiture de permanence de l'autoroute ne les avait pas suivis, ils auraient pu voir leur voiture plus écrabouillée encore, vu qu'elle était restée immmobilisée sur la voie de gauche à la sortie d'un tunnel.... tout le temps de se dire que si je n'étais pas si loin, elle n'aurait pas à se déplacer sur une si longue distance...

Depuis son AVC en 2002, ma maman passe d'un état d'euphorie à un état végétatif en deux secondes et demie. La maman qui m'a élevée, protégée d'un père violent, n'est plus depuis cet hématome au cerveau. Elle n'est pas responsable. Je l'aime tendrement et elle le sait. Du moins je m'efforce de lui faire savoir... malgré la distance qui nous sépare...

J'ai vécu dix années à Paris avec une maman qui travaillait encore, qui venait un week-end par mois me visiter. Elle était alerte, joviale, mamie gateuse... les naissances de mes filles l'ont comblée, car mon frère n'a pas d'enfant. Sans petite femme aimante, c'est difficile d'en faire.
Elle a accueilli nos mutations en Normandie avec joie, même si l'AVC est arrivé un an après... elle a eu peur, très peur... de la mort... et n'a plus jamais pu retravailler...
Mon retour en Normandie n'a pas été celui que je croyais....
Ma maman a commencé à être fragile...
Mon rôle de fille s'est transformé en celui de protectrice... de soupape... de maman même...
Je l'ai compris...
Sans le suivi de la prématurité de Manon cette même année 2002, les tests d'autisme, le démarrage de l'encoprésie de Zoé, la fermeture des servives dans lesquels travaillait Jenfi, j'aurais tenu le choc...
Je reconnais avoir emmenagé au Havre avec une fatigue morale difficile...
J'ai senti mon enfance revenir au galop...
J'ai aimé avoir mes parents, ma mamie, mes cousins autour de moi....
Mais je ne pouvais pas récupérer les soucis familiaux de chacun et les prendre à ma charge...
Je n'avais plus de force pour cela...
Quand Jenfi a su que son servive fermait et que toute l'équipe partait à Lille, j'ai senti que je devais suivre et partir de nouveau... au détriment de ma famille... et de l'habitude qu'ils avaient pris à m'avoir auprès d'eux...
Jenfi a pu avoir plusieurs propositions, dont l'Ile de la Réunion, Mayotte... Pau et Bordeaux...
Nous avons choisi le "moins" loin...

Ma maman va être fatiguée les premiers jours en arrivant ici... et je sais que ma culpabilité va renaître et me gâcher le plaisir de les avoir près de moi...
Ici je suis protégée... de mes démons de là-haut... je suis libre... et ça se voit trop....
Ma mère ne le comprend pas... elle a oublié les années de mon enfance...
Plusieurs personnes lui ont dit que quand je passais près du cimetière où est enterré mon père, j'étais tétanisée...
Plusieurs personnes lui ont dit que j'avais beaucoup souffert enfant et que je m'en étais sortie en partant travailler ailleurs, en fondant ma famille...
Plusieurs personnes lui ont dit que je ne vivais pas des choses faciles avec les pathologies de mes filles et que je devais suivre mon mari tous les deux ans de ville en ville...
Plusieurs personnes lui ont dit que je n'avais pas le choix en étant fonctionnaire... que j'étais adulte, mariée... et que le cordon devait être coupé...

Ma maman n'a pas coupé le cordon, jamais...
Elle l'a même renforcé depuis son AVC...
Je ne sais pas pourquoi cela lui est tombé dessus... elle n'en avait pas besoin...
Même si en moi-même, j'ai toujours su que les années de violence conjugale avaient agi sur elle...
On dit parfois que certaines tumeurs arrivent après des chocs de la vie...
J'avais conscience de ce risque...
Ce fut une rupture d'anévrisme... Et depuis, tout est différent...

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Décidémment, 2007 est une année mer***! C'est aussi l'heure des bilans, et en vieillissant, le fardeau devient plus lourd à porter. Et puis c'est vrai que nous, les femmes, on a toujours la culpabilité tout près... Le père de Mammouth a fait un ACV l'an dernier, à cette période de l'année. Il a été chanceux de s'en tirer, mais j'ai longtemps eu l'habitude de décrire ses passages brusques d'une humeur à l'autre en donnant la comparaison d'un poste de radio qui se "désyntonise" soudainement. Pas facile à vivre pour eux, et pas facile pour nous non plus. Je comprends donc par quoi tu passes un peu.
Heureusement, même si le fardeau devient plus lourd, nous avons la chance de pouvoir le partager, quelques fois, avec des copines réelles ou virtuelles, avec un conjoint aimant, ou avec un écran qui accueille le trop-plein.
Je te souhaite, belle Véro, des fêtes du Nouvel An remplies d'amour avec les tiens. D'amour et de légèreté, comme les bulles qui accompagneront le foie gras.

Pur bonheur a dit…

En vieillissant on devient plus vulnérable. Surtout après un anévrisme ! Chez moi, c'est la mort de mon frère à 37 ans qui a changé ma mère.. Plus la même depuis.
Qui était au volant de la voiture quand l'accident est arrivée? (je croyais que c'était ton père mais tu mentionnes qu'il est décédé..)

Véro a dit…

Marie-José : Merci pour ton gentil commentaire, ça fait chaud au coeur... tu sais si bien me comprendre...
Oui, un AVC transforme la personnalité... ma maman est actuellement chez moi et est dans une phase de fatigue morale, plus de goût à rien... c'était déjà comme cela la dernière fois qu'elle est venue à Bordeaux... elle est un peu mieux quand c'est nous qui montons... en Normandie...
Je pense qu'elle se fait une montagne quand elle doit partir de chez elle... et là, avec leur accident de voiture, le train à prendre, elle a mal géré le stress... depuis son AVC, sa facculté à encaisser les changements rapides de situation est inexistante...
On s'y fait, tu as raison...
je ne sais pas comment Mammouth vit cela avec son papa, mais c'est assez destabilisant...
Passez de très bonnes fêtes en famille, avec Merveilleuse Merveille..
je pense à vous...
bisous
véro

Tangerine : Tu sais, j'ai lu le billet sur ton frère, il m'a beaucoup émue... il était si jeune...
Je dis toujours que survivre à son enfant est la pire des choses... je comprends ta maman...
Cela ne doit pas être si facile que cela pour toi non plus... tu as subi la perte de ton frère et tu dois être présente pour ta maman...
Mon père biologique est décédé en 1991, à l'âge de 47 ans. Il ne vivait plus avec nous depuis 1978, suite à un drame conjugal et un divorce...
Ma maman a connu un homme formidable en 1980 et vit avec lui depuis... je dis "mes parents" car il a été davantage un papa pour moi que mon "vrai" père... c'est un peu compliqué pour mes lectrices car je parle de ma souffrance d'enfant, avec mon papa qui était alooolique et violent... et je parle de "mes parents" actuels mais en fait c'est de mon beau-père qu'il s'agit...
Ma maman ne conduit pas... elle n'a jamais appris...
C'est mon papa (bis) qui conduisait... il a 78 ans... je ne veux plus qu'ils fassent 10 heures de route... mais c'est peine perdue... cet accident va les avoir mis devant le fait accompli... je craignais que ça arrive, avec plus de dégâts...
Tu sais Tangerine, ma maman a très mal pris mon départ ici à Bordeaux... elle m'en veut un peu... quand elle est arrivée, elle a appelé sa belle-soeur au téléphone pour la rassurer de leur arrivée chez moi et elle a dit "Oh, c'est moche cette époque... tous les enfants partent vivrent loin maintenant... c'était mieux avant..."... j'ai compris le message...
Quand j'ai lu sur le blog de Tania la façon dont tu décalpubilisais ta fille si triste de ne pas passer Noël avec vous, j'ai été
en admiration devant ta gentillesse et ta capacité à penser au bonheur de ta fille avant tout... bien sûr que tu aurais aimé l'avoir auprès de toi, non? Tu es une mère géniale, vous êtes une famille exemplaire... rare... ne changez rien!!!
Passez un bon réveillon!!!
je pense à vous...
bisous
Véro

Pur bonheur a dit…

Merci Véro pour tes explications. Je m'y retrouves mieux maintenant.
Tu as une telle sensibilité, tu sais lire entre les lignes et c'est très rare tu sais.
Je parlais un peu de toi avec Tania aujourd'hui et nous étions d'accord là-dessus. Tu es une fille formidable ça saute aux yeux. Restes comme tu es! (de toute façon tu ne pourrais pas être autrement! )

Aileen a dit…

Salut ma Véro !
Je suis vraiment désolée pour l'accident de tes parents et pour cette année qui ne finit pas vraiment comme tu l'aurais souhaité.
J'espère que 2008 se montrera sous un meilleur jour, vous le méritez tellement tous les 5 ! Plein de bisous et de tendres pensées pour vous tous (merci pour le message et les photos).
À bientôt !

Véro a dit…

Tangerine : C'est si gentil de me dire cela!!!! Ca fait bizarre de se dire qu'à des milliers de kilomètres, il y a toi, et ta famille... ton mode de vie, ta façon de voir la vie... que j'aime tant!!!
Ton blog devrait être vendu au rayon vitamine C et anti-dépresseur!!!!
Gros smacks à toi et à Tania!!!!

Aïleen : merci pour ta gentille carte ma Aline!!!!
Quand j'ai commencé mon blog, j'étais un peu paumée et je n'avais jamais lu de blogs avant... je suis tombée sur le tien grâce à Nath et à bbplumes... toutes mes belles rencontres, je te les dois!!!... vers le Québec, vers d'autres petites françaises, vers la Belgique...
Tu es ma bonne étoile...
Il faudra qu'on se voit un jour, j'y tiens...
gros bisous à vous 3...
Véro