Ce week end était celui du Téléthon. Passé au travers de l'information voudrait dire que l'on vit sur une autre planète... quiconque demeurant dans ce pays sait que tous les ans, en décembre, il faut se mobiliser... donner de soi, donner de son temps, donner de l'argent... de n'importe quelle façon, chacun peut amener sa petite contribution...
Je trouve bien sûr l'idée bonne : il faut aider la recherche... bien évidemment. je me vois mal vous dire le contraire sans me prendre des tomates virtuelles!!!!.... Non, non, bien sûr que les chercheurs ont besoin de fonds... je ne remets pas cette évidence en cause...
Ce qui me chagrine est ailleurs. J'ai croisé des regards ce week-end, ceux des enfants en fauteuil roulant. Nous étions à Casteljaloux, ville thermale qui possède un complexe bien relaxant... Avant de nous laisser aller dans le sauna, nous avons marché dans la petite ville, ville phare du téléthon cette année... des ballons jaunes et de gros projecteurs éclairaient les trottoirs gris et dégoulinants balayés par la pluie... c'était triste à voir, tout ce dévouement, et tout ce déferlement de vent et de flotte... les associations tenaient bon, sifflant le démarrage d'une course à pieds d'un côté... assurant un spectacle de clowns de l'autre... les participants revenaient bons à essorer, mais contents de leur prestation... bîen sûr... car le sourire d'un enfant myopathe était soudain un réconfort euphorisant....
Je connais le handicap. Ma maman a été aide soignante pendant vingt ans à l'Association des Paralysées de France... j'ai su très tôt la chance que j'avais d'avoir deux pieds et deux jambes pour avancer.... J'allais aux arbres de Noël dans ce foyer, aux après-midis Scrabble, aux journées portes ouvertes... j'avais une dizaine d'années... je n'osais pas les regarder dans les yeux car j'avais un sentiment de culpabilité indescriptible.. Certains étaient allongés, le corps diforme, ils ne pouvaient rien amener à leur bouche... je m'asseyais à côté de ma mère qui leur donnait à manger, comme à un petit enfant, toujours guillerette... toujours pleine de vie... (jusqu'à son AVC, ma mère a toujours été un modèle pour moi de force et de joie de vivre...)... elle me disait de leur parler, mais la plupart du temps je ne comprenais pas leurs mots écorchés.... alors je leur tenais la main, et je les suivais dans les salles télé ou jeux de cartes... je les ramenais à leur chambre-appartement... j'avais surtout un lien avec deux soeurs d'origine espagnole qui avaient toutes les deux la même maladie génétique, mais à des stades différents... elles sont décédées aujourd'hui.... mais je pense souvent à elles, Ingracia et Laura...
Je rentrais souvent à plat, vidée... je n'étais qu'une adolescente.... qui souffrait bien moins dans sa vie de collégienne!... ma mère me disait "c'est bien que tu sois venue aujourd'hui, tu leur as donné un peu de joie, ils ne voient jamais d'enfants....".... j'étais contente pour eux... mais si triste au fond de moi...
Je me demandais pourquoi ils étaient si seuls, si coupés de leur famille, si éloignés géographiquement de leurs racines... Ma mère me répondait que certains avaient dû être placés dans ce centre, car les soins étaient si importants et difficiles à faire, qu'il fallait des gens compétents et spécialisés pour les administrer... que les parents de ces petits êtres appareillés auraient bien voulu les avoir auprès d'eux, mais qu'il existait peu de centres comme celui-ci en France... qu'il y avait des listes d'attente... et peu d'élus... que d'autres étaient des laissés pour compte que la famille avait oublié... car le fardeau d'un handicap survenu par accident était trop lourd à porter... que c'était dur pour ces gens handicapés que la vie avait oublié...
Je me suis sentie mal quand j'ai su peu à peu la situation de chaque résident. Je me suis demandée pourquoi le monde avait "honte" de ces êtres humains en fauteuil roulant... pourquoi ils n'avaient pas la même vie que moi, pourquoi je ne les croisais jamais dans la rue, dans les magasins, dans les restaurants????
J'ai grandi et j'ai commencé à voir comment notre société se détournait d'une partie de sa population... comme si nous étions coupés en deux : les valides, et les non-valides.... Il est encore loin le temps où on verra une rampe d'accès pour fauteuil roulant dans un magasin, d'emblée, accueillante... évidente... il est loin le temps où on verra en location des appartements où les pièces seront adaptées à la largeur d'un fauteuil d'handicapé... où les toilettes et la baignoire seront accessibles... il est loin le temps où nous entrerons dans un Ikea ou un Conforama où une gamme de lits, de meubles spécialement prévus pour le quotidien des ces personnes, sera en vente libre à un prix abordable....
Je sais que je rêve.... la France est l'un des pays les plus à la traîne pour ce genre de choses... Pourquoi ne pensons-nous à eux qu'un seul week-end dans l'année???... peut-être que cela nous donne bonne conscience... alors que ces personnes ont besoin de nous tout le temps... tous les jours de leur vie...
Une collègue de travail de ma belle-mère, atteinte de myopathie, lui a dit une chose qui résume bien ce que je ressens... et ce que je constate... je ne m'exclue pas de la moyenne des gens qui s"occupent d'eux avant les autres en mettant ceci...
Je lui laisse la parole....
"Il faut donner pour la recherche, c'est indéniable... c'est un combat pour la vie, toujours.... ce qui me désole, c'est que durant ce week end de Téléthon, tout le monde est gentil avec moi... tout le monde me sourit, me dit bonjour... et le plus important, tout le monde me regarde dans les yeux....
Tu vas voir, dans deux jours, je vais redevenir invisible et transparente... mes propres voisins ne me disent jamais bonjour dans le lotissement où j'habite... ils ne viennent même pas me demander si j'ai besoin de quoique ce soit... on dirait que je leur fais peur... que je suis contagieuse..."
Ma voisine et amie Joëlle a une petite fille de 10 ans, Odelle, atteinte d'un handicap du comportement... C'est une enfant merveilleuse et d'une gentillesse absolue...
Elle est venue chez nous, d'abord accompagnée, puis elle a osé s'aventurer seule... pour jouer avec Zoé, pour regarder quelques chaînes du sattelite qu'elle aime... pour être avec notre famille... tout simplement... comme n'importe quel enfant du monde qui irait prendre l'air chez sa petite copine d'à côté...
C'est peu de choses que nous faisons, mais quand elle nous sourit et qu'elle nous fait un calin, nous en sommes très émus et retournés...
Un petit lien sur elle, sur le blog de Joëlle: Odelle, ma puce...
5 commentaires:
merci véro pour ce commentaire merci d avoir mis le lien sur mon blog même si pour toi tu penses que ce que tu as écrit est court je peux te dire que cela me touche rares sont les personnes qui me parlent de ma puce rares sont les personnes qui nous laissent entrer dans leur vie merci à toi et à ta petite famille .......
bises joelle
Cette année le théléton n'a pas reçu autant de dons que l'année dernière. Dommage...
Joelle : pas de quoi ma grande!
Jenny : oui, dommage... reflet du malaise social, des temps qui sont durs, ou desintérêt général???... je sais pas trop....
Nous vivons dans une socièté du chacun pour soi, du beau, du parfait, de l'idéal où il est interdit d'être malade ou agé ou carrément de mourir!
Quand je vois le retard par rapport au états unis en matière de moyens d'accés aux lieux publics, j'ai honte d'être française...
Il faut savoir que la différence fait peur. Elle dérange car pour ma part, une personne handicapée nous renvoit à nos propres faiblesses, visibles ou invisibles...Une faiblesse peut être un handicap!
Il faut savoir aussi que les établissements spécialisés existent depuis peu...que tout enfant, encore au siècle dernier, né différent était abandonné aux mains du destin (dans la nature, les cirques ou autres...)
Et oui avoir un enfant handicapé physique ou mental et pouvoir l'élever dignement et l'accompagner dans le quotidien relève de l'exploit!
C'est un combat au quotidien, face aux regards d'incompréhension, de peur, de compassion et face aux listes d'attente des placements dans les établissements d'acceuil...
Les personnes "différentes" n'ont certainement pas besoin de compassion mais d'amour et de compréhension...Ce sont des êtres à part entière avec des besoins , des sentiments...
il faut savoir aussi que nul n'est à l'abri du handicap et peut se retrouver transformer en légume et à la merci de soignant ou d'encadrant éducatif, du jour au lendemain.
C'est pour cela qu'il faut profiter de chaque jour qui passe...et dire au gens qui nous aiment, combien on les aime...
Nous vivons dans une socièté du chacun pour soi, du beau, du parfait, de l'idéal où il est interdit d'être malade ou agé ou carrément de mourir!
Quand je vois le retard par rapport au états unis en matière de moyens d'accés aux lieux publics, j'ai honte d'être française...
Il faut savoir que la différence fait peur. Elle dérange car pour ma part, une personne handicapée nous renvoit à nos propres faiblesses, visibles ou invisibles...Une faiblesse peut être un handicap!
Il faut savoir aussi que les établissements spécialisés existent depuis peu...que tout enfant, encore au siècle dernier, né différent était abandonné aux mains du destin (dans la nature, les cirques ou autres...)
Et oui avoir un enfant handicapé physique ou mental et pouvoir l'élever dignement et l'accompagner dans le quotidien relève de l'exploit!
C'est un combat au quotidien, face aux regards d'incompréhension, de peur, de compassion et face aux listes d'attente des placements dans les établissements d'acceuil...
Les personnes "différentes" n'ont certainement pas besoin de compassion mais d'amour et de compréhension...Ce sont des êtres à part entière avec des besoins , des sentiments...
il faut savoir aussi que nul n'est à l'abri du handicap et peut se retrouver transformer en légume et à la merci de soignant ou d'encadrant éducatif, du jour au lendemain.
C'est pour cela qu'il faut profiter de chaque jour qui passe...et dire au gens qui nous aiment, combien on les aime...
Enregistrer un commentaire