jeudi 23 août 2007

Treize ans plus tôt....

Nous sommes le 23 août. Un jour comme un autre, me dires-vous... Pas pour moi. Aujourd'hui, Julie a treize ans. Elle ressemble à une blondinette aux longues jambes dorées dans sa petite nuisette d'été... le petit nez en trompette et les grands yeux bleus qu'elle garde depuis bébé... Sa journée sera cool, relax...dans la famille, il y a une règle, chacun fait ce qui lui plaît son jour d'anniversaire... on va même jusqu'à faire la recette préférée de celui qui prend un an de plus... pour Julie, le plat de prédilection, c'est la raclette. Pas trop de saison... en remplacement, nous sommes allés manger chez Buffalo grill mardi soir, l'un de ses restos favoris... Elle a trouvé cela trop sympa...
Le 22 Août 1994, il faisait très beau et chaud, pas du tout comme aujourd'hui. C'était un lundi, j'avais rendez-vous chez mon gynéco en fin de matinée. Julie était prévue pour le 4 septembre. Tout allait bien.
J'ai traîné ma grosse bedaine dans les rues de ma cité, Noisy le Grand, avec une certaine sérénité. Les vitrines de la galerie marchande du Carrefour jonché au milieu du groupe d'immeubles, arboraient de jolies couleurs encore estivales... je me souviens être passée par l'étage supérieur, pour jeter un oeil chez Catimini, un magasin spécialisé dans les vêtements de nourissons. Un petit ensemble rose et prune habillait un mannequin en plastique et je m'imaginais ma demoiselle dedans... de façon aussi floue que ce visage sans âme d'étalage... je l'imaginais brune, aus yeux foncés... mais c'était si difficile de la concrétiser... Elle me donnait joyeusement des coups de pieds dans le bidon... Je la sentais si proche... et pourtant si loin...
Mon gynéco était rassurant. Il ne pensait pas me voir dépasser le terme, et commençait à me dire, juste comme ça.
"Vous vous sentez prête, vous avez peur de l'accouchement?"
J'ai sorti un "non" évasif car je ne pouvais pas être totalement sûre de vivre le plus beau moment de ma vie sans appréhension. Il n'y avait qu'un homme pour me demander une telle chose!
Il a enchaîné.
"Je pars en vacances à la fin de la semaine, vous voulez que ce soit moi qui vous accouche?"
J'ai répondu un "oui" insistant car je connaissais sa collègue pour l'avoir testée une fois en consultation. Elle était froide, expéditive et brutale. Je ne lui ai pas dit franchement que je ne me sentais pas trop le faire sans lui, mais il a souri, compréhensif. Le sort a voulu que deux ans plus tard, sa binôme m'accouche de Manon. Malheureusement.
J'ai toujours eu en retour ce que je craignais le plus. Question d'habitude.
Il a donc proposé de casser une membrane. Il a enlevé ses gants et a lancé un "A ce soir, à la clinique"... je suis repartie avec le vertige en moi, l'absurde idée que je n'étais pas prête, que je ne savais plus trop si c'était vraiment ce que je voulais... là maintenant...
l'après-midi s'est passée avec la sensation que le travail se faisait, doucement, sans douleurs. Jenfi avait travaillé le matin et avait accueilli la nouvelle en rentrant le midi avec étonnement, puis joie subite. Il m'a bichonné et a appelé la famille, tout émoustillé.
Vers 17h, je ne tenais plus et nous avons décidé de partir. Ma petite valise était prête, depuis un mois déjà. J'ai grifonné un petit mot à Laure, la cousine de Jenfi que nous hébergions car elle avait trouvé un job d'été sur Paris. Elle était encore étudiante, et avait le caractère facile. Je savais qu'elle se dépatouillerait sans nous, et viendrait me voir le lendemain après sa journée de travail.
l'ambulancier qui nous a conduit à la clinique était très bavard, et très démoralisant. Jenfi et moi étions amusés de l'entendre bougonner "ohlala, profitez de vos dernières heures à deux, les mioches ça chiale tout le temps, les nuits sont abominables... ça n'arrête jamais.." Je lui ai dit en souriant "c'est un peu tard pour faire marche arrière, non?" ... Jenfi blaguait avec lui car il voyait bien que je commençais à me stresser. J'ai regardé le périphérique parisien défiler sous mes yeux, allongée à l'arrière... Nous approchions de Nogent sur Marne et je sentais mon coeur battre de plus en plus vite. Paris était écrasé par la chaleur, les gens marchaient en tenue légère, les terrasses des cafés étaient débordantes d'âmes festives ... je ne regardais que les bébés que je croisais, que les enfants... comme si je commençais à m'intéresser à une autre strate de la société, celle de la famille...
Je suis allée en salle d'attente vers 18h, puis en salle d'accouchement... Jenfi m'a aidée et tenue les mains lors de la pose de la péridurale... j'ai alors pu reprendre des forces et même m'endormir. J'étais bien. Vers 23h3O, j'ai senti qu'on me tapottait la joue et qu'on me chuchottait "Allez, il faut vous réveiller, bébé arrive..." J'avais fait des rêves où je voyais cent fois la bouille de Julie, où j'étais radieuse et où tout était comme dans du coton... J'ai tenté de l'expulser, mais sans succès et du coup, l'équipe médicale a pris la décision de pratiquer la ventouse. Je n'ai jamais su pousser correctement. A aucun de mes trois accouchements. Pour Julie, tout le monde a été adorable, mais pour Manon et Zoé, j'ai été franchement anéantie par les propos blessants des sages femmes : "On ne dirait jamais que vous avez déjà accouché??? Vous avez dormi aux cours de préparation ou quoi???? c'est pas bien, secouez-vous!!!!"
J'ai su après, lors d'un scanner, que j'avais une hernie discale de type paralysante. Je ne pouvais rien ressentir en dessous de la ceinture lorsque j'avais le bassin basculsé en arrière, cela accentuait le pincement discal. Le médecin qui regardait ma radio m'a dit "cette hernie est là depuis une bonne vingtaine d'années, comment se fait-il que vous ayiez eu des péridurales????"... j'ai pas su quoi dire si ce n'est "l'anesthésiste m'a regardé le dos en me demandant de me voûter et de toucher mes pieds, c'est tout..."... il a rajouté 'Ca aurait pu mal tourner, vous avez eu de la chance..."...
Julie est née à 0H20, le 23 août 1994. Elle avait des cheveux très noirs, la peau mâte et des yeux foncés en amande. Elle a été mise dans un berceau transparent à ma droite, habillée du petit pyjama jaune que je lui avais acheté. Elle était très éveillée et me fixait de son regard noir, ses deux petites mains sous son menton n'arrêtaient pas de se déplier comme si elle découvrait ses doigts...
Pour Jenfi et moi, cela reste "l'accouchement" le plus heureux. Nous y étions tous les deux, et Julie allait bien. Nous n'avons pas eu le même vécu pour celui de Manon, très traumatisant. Et pour Zoé, j'étais seule... ce fut très frustrant.
Julie a toujours été un roc, un pillier, une soupape, une joie de vivre..
Elle est notre fille aînée, celle par qui tout a commencé, celle qui a fait de nous des parents comblés... Nous avions 25 ans. La vie devant nous.
Julie, nous t'aimons plus fort que tout.
Chaque 23 août, nous avons le coeur rempli de bonheur, grâce à toi.

Julie, le 23 aout 1994.

8 commentaires:

Anonyme a dit…

Un tres bon anniversaire à ma Juju... Je t'aime.
Papa

Anonyme a dit…

Merci de partager ce beau souvenir. Ca me réconcilie avec cette date moins heureuse pour moi. En même temps, c'est l'incarnation parfaite du fait que la vie est une roue qui tourne: pour chaque âme qui s'enfuit, une nouvelle commence son pelerinage parmi nous.
Merci également pour tes bons mots. On pourra dire qu'internet est impersonnel, mais je sens sincèrement la chaleur humaine traverser le clavier, l'écran et l'océan dans ton cas! Merci!

Anonyme a dit…

Ho! Misère que je suis gauche!!! J'ai pesé trop vite sur le "publier".!!!
Bonne fête à la belle Julie, qui commence aujourd'hui une autre année remplie de promesses!

Véro a dit…

Gros merci Marie-José, pour Julie et pour ta gentillesse... cela me touche beaucoup. Je pense que tu ne mesures pas l'attachement que tu provoques en nous laissant entrer dans ton monde, ton univers, ta vie, nous, internautes lointains!!!... Lire tes chroniques m'a apporté énormément et je n'ai pas pu m'en détacher pendant quelques jours, j'étais ailleurs... en plus, tout est implicite, aucune photo, et c'est encore plus merveilleux de vous imaginer...
Que ce soit dans la tristesse ou dans la joie, je te lis avec un grand plaisir... je pense à toi...
Gros bisous à toi et ta petite famille....

Anonyme a dit…

Bon anniversaire à ta fille.. Et super récit.. Très émouvant.. Une première naissance reste toujours un sacré souvenir..

Véro a dit…

Merci Béatrice, c'est très gentil!
Je suis contente que tu sois venue me lire, qui es-tu?
Je souhaite te revoir très vite!
bisous

Anonyme a dit…

Coucou maman,
Tu écris vraiment bien.
Merci, pour ce bel article.

Bisous,
Ta fille Julie (de 13 ans) qui t'aime fort.

Véro a dit…

Merci ma puce, tu méritais que je raconte le jour magique de ta naissance... et si j'écris si facilement sur toi, et tes soeurs, c'est que vous êtes mon inspiration première, la plus belle chose qui me soit arrivée dans ma vie...
je t'aime fort!
bisous
maman...